« La bouffe, c’est la déchéance, l’avilissement, la mort. » (Dorothée Werner)
Vous êtes-vous déjà demandés pourquoi, lorsque nous perdons les pédales en nous précipitant sur la nourriture, nous avons tendance à appeler tout ce qui ce mange « la bouffe » ? Nous ne mangeons plus, nous bouffons.
Dans un article de Dorothée Werner concernant les troubles alimentaires compulsifs, elle ira jusqu’à écrire que « la bouffe, c’est la déchéance, l’avilissement, la mort. »
Nous sommes d’accord pour dire que « la bouffe » c’est avant tout la vie, car elle nous permet de faire fonctionner notre organisme de façon optimale. Mais lorsque la nourriture est qualifiée de « bouffe », nous ne parlons plus de besoins nutritionnels ; nous sommes dans la démesure, la déraison. La « bouffe » est alors une insulte pour tout ce qui touche à l’alimentation.
Dans ce sens, je concède que « la bouffe, c’est la déchéance, l’avilissement, la mort… ».
Alors que nous sommes censés manger pour vivre, le mot « bouffe » induit plutôt le besoin de vivre pour manger. Se nourrir n’est alors plus vital mais obsessionnel.
Au même titre que la drogue, la « bouffe » pousse l’individu à s’en remettre à ses plus bas instincts et n’être plus qu’une âme errante au milieu des restes de détritus, de paquets industriels vides et autres miettes jonchant le sol.
La « bouffe », lorsqu’elle devient un combat entre le besoin vital et la perte de contrôle, est un vrai fléau du quotidien. Elle est partout, tout le temps, et en vente illimitée.
Se perdre dans les méandres de cette hyper-alimentation, c’est se rapprocher inévitablement d’autres maux plus sérieux.
Alors oui, dans ce contexte « la bouffe, c’est la déchéance, l’avilissement, la mort… ».
Les compulsions alimentaires comme le mal du siècle.
La compulsion alimentaire est un véritable problème de société qui touche toutes les populations : les jeunes, les moins jeunes, les étudiants, les cadres… Personne n’est épargné. Elle est le résultat des phénomènes « d’hyper » : hyper-consommation, hyper-perfectionnisme, hyper-productivité, hyper-concurrence, hyper-contrôle, hyper-solitude, hyper-connecté… C’est un monde où le mangeur cède à ses pulsions alimentaires pour fuir sa réalité.
La compulsion alimentaire c’est aussi une réponse à un sentiment, un état émotionnel, une grande solitude où l’aliment viendra colmater, combler un vide, une plaie béante.
Se nourrir ne devient plus vital, mais s’inscrit comme un réflexe conditionné à un état émotionnel type. S’alimenter devient alors une médication, au même titre que les anxiolytiques et autres antidépresseurs. C’est la solution instantanée pour trouver un mieux-être, un vrai « shoot » que l’on peut trouver à n’importe quel coin de rue.
Manger, s’empiffrer devient alors la seule solution pour soulager rapidement des blessures beaucoup plus profondes, cela devient un bref moment de plénitude légalisée.
Une autre cause du développement des compulsions alimentaires réside dans les images que la société nous renvoie constamment de la perfection. Dans le livre « Le poids des apparences » de J-F Amadieux, l’auteur fait le triste bilan que, pour réussir, il faut être mince et musclé. Être un être parfait. Si vous ne collez pas à ce schéma sociétal, il ne vous reste plus qu’à compenser en mangeant et comme l’industrie alimentaire l’a bien compris, elle fait tout pour que vous puissiez vous rassasier quand bon vous semble.
La compulsion alimentaire répond à un besoin du tout, tout de suite, et permet surtout de calmer les personnes abîmées par la vie, celles et ceux qui n’entrent pas dans le moule d’une société qui se voudrait parfaite. Mais finalement, le mal du siècle de cette société est bien d’engendrer des individus perdus et seuls face à leur mal-être constant, ne pouvant trouver d’aide qu’au travers des fast-foods et de la malbouffe.
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